Giverny-Vernon

Première découverte archéologique au monde en 1685 à Cocherel

Procès-verbal des premières fouilles archéologiques :

Au mois de juillet de l'année 1685, le roi ayant ordonné de faire plusieurs ouvrages sur la rivière d'Eure pour en rendre la navigation plus aisée, le seigneur de la paroisse de Cocherel eut ordre de faire faire un travail à la porte par laquelle passent les bateaux sur cette rivière, pour lequel il eut besoin d'avoir une quantité de trois à quatre cents pieds de pierre de taille, ce qui nécessita ce gentilhomme de rechercher sur sa terre tout ce qui pourrait lui en fournir, ne pouvant avoir pour de l'argent, aux carrières voisines, ce qui lui était nécessaire, parce qu'on ne pouvait trouver d'ouvrier pour y travailler, tous les tailleurs de pierre ayant été obligés de se rendre à Maintenon, où se faisaient les plus considérables travaux. 

Il se souvint d'avoir vu sur un côteau fort élevé, exposé au soleil du midi, et penchant vers la rivière, deux grandes pierres posées debout, ne sortant hors de terre que de la hauteur d'un pied ou environ, placées comme des bornes dont on se sert pour séparer les héritages des particuliers. L'une de ces pierres avait six pieds de hauteur et un pied et demi d'épaisseur ; l'autre, trois pieds de largeur et six pieds de hauteur.

Ces deux pierres avaient été découvertes, il y a quinze ans, par trois inconnus, lesquels vinrent en ce lieu un jour de fête, dans le temps où tous les habitants étaient à l'église. Ils firent un trou d'environ trois pieds en carré et d'autant de profondeur ; ils tirèrent les os de deux corps avec les têtes jusqu'à la moitié de l'épine du dos, et s'éloignèrent laissant ces os sur le bord du trou sans le remplir, et sans avoir marqué qu'ils eussent aucun dessein de chercher ni à droite, ni à gauche, ni au-dessus, ni au-dessous.

Le seigneur de ce fonds, en ayant été averti quelques jours après, se transporta sur le lieu, qu'il n'examina point. Voyant que ces chercheurs avaient eu si peu de vénération pour ces ossements, il se persuada que ces trois étrangers pouvaient être des Anglais qui probablement avaient eu connaissance qu'un dépôt avait été fait en cet endroit lors de la bataille de Cocherel, et qu'ayant trouvé et pris ce qu'ils considéraient le plus, ils ne s'étaient pas souciés du reste ; et ainsi il crut qu'il serait inutile de s'arrêter à une plus longue recherche dans ce temps-là. Mais, se voulant servir de ces deux pierres pour faire son ouvrage, comme il a été dit ci-devant, il les fit découvrir entièrement, et trouva de nouveaux cadavres ; ce qui donna lieu au procès-verbal qui suit :

"L'an 1685, le mercredi, 11e jour de juillet, nous, Ollivier-Etienne, avocat en parlement, sub-délégué de monseigneur de Marillac, conseiller d'Etat ordinaire et d'honneur dans tous les parlements de France, et commissaire départi par le roy pour l'exécution des ordres de sa majesté en la généralité de Rouen.

Sur la réquisition à nous faite par messire Robert, le Prévôt de Cocherel, chevalier, seigneur des fiefs et seigneuries du haut et bas Cocherel, nous nous sommes transportés avec M. Jean Huncy, notre greffier, en la présence de vénérable et discrète personne M. Devin, curé de la paroisse de Vaux ; de Jean Blaubuisson, maître chirurgien à Cocherel ; de Firmin Horhon et Pierre Vallée, vignerons, demeurant à la Fortelle, paroisse de Cocherel ; Noël Haymet, vigneron, demeurant au-dit lieu ; Pierre Colombe, vigneron, demeurant en la paroisse de Vaux, sur une pièce de terre sur le haut du côteau, depuis longtemps en friche, où étant le dit sieur de Cocherel nous aurait remontré qu'ayant besoin d'un nombre considérable de pierres de taille, il en aurait fait découvrir deux grandes qui sortaient hors de terre, comme des bornes pour séparer les héritages. Et en faisant la dite découverte on aurait remarqué que c'était un sépulcre qui était fermé seulement de trois côtés et dans lequel se seraient trouvés les os de vingt corps d'homme de la grandeur ordinaire de cinq pieds et demi à six pieds de long, à la réserve de deux jeunes de quinze à seize ans, ne s'étant trouvé aucune tête de femme, tous ces corps étendus nord et sud, les bras le long du corps, et toutes les têtes le long des deux pierres posées debout. Dans l'angle droit, il y avait deux corps séparés par une pierre en forme de tombe de deux autres corps qui étaient au-dessous. En procédant à l'examen du dit sépulcre, il nous a fait remarquer qu'à pareille distance de la superficie de la terre et des corps inhumés, il s'est trouvé trois petits pots d'une terre noire, aussi molle que de la cire, qu'on n'a pu retirer sans les rompre, et qui ont durci à l'air, et sont devenus de couleur grise, ce qui fait juger que ces hommes-là étaient des idolâtres qui avaient brûlé quelques odeurs sur ces corps, et immolé quelque chose aux mânes de ces défunts ; ces petits pots étant encore remplis de cendres et de charbon de bois ; qu'à l'endroit où étaient placées les têtes des deux corps posés au-dessus de cette tombe, on avait trouvé deux pierres, une longue de six à sept pouces, large de quinze à seize lignes par le plus large, de trois à quatre lignes d'épaisseur par le milieu, figurées comme un fer de pique aiguë et perçante par les deux bouts, et coupante par les côtés, d'un caillou à feu jaunâtre dont on fait les meilleures pierres à fusil.

L'autre pierre, qui était sous une de ces têtes, figurée comme un fer de hache de quatre à cinq pouces de longueur, de trois pouces par le bord le plus large, et coupant, percée par le bout le plus étroit, de cinq à six lignes par le milieu, de couleur verdâtre, dure comme l'agate, que les lapidaires ont dit être de giade.

Au-dessous des deux autres têtes qui étaient au-dessous de cette tombe, on y avait trouvé deux autres pierres : l'une de la même nature de la première, de la même figure, mais un peu plus longue, quoique les pointes en fussent émoussées ; l'autre était aussi taillée en forme de fer de hache fort coupante, de trois pouces de long, deux pouces et demi de large, de six lignes d'épaisseur par le milieu, aussi percée par le bout le plus étroit, d'une couleur vert brun, qu'on dit être de serpentine d'Orient.

Sur le côté gauche de ce sépulcre, qui n'était point fermé, il y avait seize corps ; tous ces os fort sains, quoiqu'ils parussent extrêmement anciens ce qui s'est encore fait mieux connaître, en ce qu'ayant été deux jours exposés à l'air, ils se sont réduits d'eux-mêmes pour la plupart en poussière.

Les crânes des têtes de tous ces hommes étaient d'une épaisseur extraordinaire, toutes garnies de dents fort saines, ce qui marque que c'étaient des gens robustes et vigoureux. Il y a une de ces têtes qui a reçu un coup, dont le trou est resté dans l'os de la grosseur du bout du doigt, ce qui marque que c'étaient des gens de guerre. Sous chacune de ces têtes, il y avait une petite pierre ; il s'en est trouvé deux rondes : l'une de couleur rougeâtre d'un pouce de diamètre, percée des deux côtés d'un trou qui en occupait plus de la moitié, et était fort petit dans le milieu ; l'autre de la couleur et grosseur d'une châtaigne, figurée comme un bouton de justaucorps, percée et grossièrement polie, assez dure, et qui paraît par un côté avoir été endommagée par le feu.

On a encore trouvé à l'endroit où étaient ces têtes trois pierres, dont deux d'un caillou grisâtre très dur, taillé comme des fers de hache, aiguisées et polies sur la meule ou sur d'autres pierres, de quatre à cinq pouces de long, de trois à quatre de large par le taillant, et d'un pouce et demi par le même bout, et par le milieu d'un pouce d'épaisseur. Ces pierres s'enchâssaient par le bout le plus étroit dans un morceau de corne de cerf creusé par le bout pour y recevoir une de ces pierres, long de six pouces, de deux pouces et demi de grosseur, percé par le milieu pour l'emmancher au bout d'un bâton, et en faire une hache ; l'autre pierre, taillée de la même manière, était un peu plus longue que les deux autres, d'un caillou noir à feu dont il s'en trouve quantité en ce pays, et on a remarqué que ces morceaux de corne de cerf étaient polis par les bouts et usés sur la pierre, et non taillés avec le fer.

Sous les autres têtes, il y avait onze petites pierres de caillou noir, taillées toutes d'une même manière, unies par un côté ; et par l'autre la taillure y est marquée et relevée ; toutes coupantes par les côtés et de différentes figures par les bouts, comme pour faire de petits couteaux pour couper ; les bouts et les figures y étaient différentes ; mais la situation de ces pierres posées sous la tête de ces morts marquait qu'ils les avaient en quelque vénération.

On a trouvé parmi ces corps quelques os aiguisés pour mettre au bout d'un bâton ou au bout d'une flèche, ou d'un andouiller de la tête d'un cerf, et deux autres d'un des petits os de la jambe d'un cheval.

A toutes ces pierres, ni aux grandes, ni aux petites, il ne s'est trouvé aucune inscription ni sculpture, ni figure qui pût faire croire que ces hommes-là eussent été chrétiens ; au contraire, la situation de ces pierres sous leurs têtes, et ces petits pots remplis de cendres et de charbon, nous ont paru des marques de leur superstition et de leur idolâtrie.

Ce qui nous a induit à déclarer au dit seigneur de Cocherel qu'il pouvait appliquer lesdites pierres sans aucun scrupule à tel usage que bon lui semblerait.

Et, pour rendre le tout plus authentique, il nous a requis de lui en délivrer notre présent procès verbal, auquel il a signé avec nous et notre greffier, et les témoins ci-devant nommés, ce que nous lui avons accordé ce dit jour et an ci-dessus."

Depuis l'expédition du procès-verbal, ayant fait travaillé au côté gauche de ce sépulcre, on a trouvé que le fond y est plus relevé de près de deux pieds de celui où les corps ont étés inhumés ; qu'en cet endroit il paraît évidemment qu'il y a eu plusieurs corps brûlés, dont les cendres et les restes des os ont été mis confusément dans ce trou. On a remarqué qu'il se trouve une veine de cendres et de charbon de bois environ deux pieds au-dessous de la superficie de la terre, et deux pieds et demi ou environ au-dessus du fond de ce sépulcre. Cette cendre est si piquante et si salée qu'elle prend au nez comme du tabac, et même qu'elle picote les doigts lorsqu'ils ont touché de ces os qui y sont mis pêle-mêle. On n'a pas eu le loisir d'achever cette découverte, c'est-à-dire d'ouvrir entièrement toute la terre qui a été mise dans ce sépulcre creusé exprès pour mettre ces corps entiers et les cendres et les os restant de ceux qui ont été brûlés et mis dans ce même lieu.

De sorte qu'il paraît assez difficile de concilier les deux cérémonies pratiquées pour la sépulture de ces morts : l'une de l'inhumation, et l'autre de la nécrocaustie, si on ne convient qu'il y a eu un combat en ce lieu entre les Gaulois et les barbares qui s'étaient répandu dans le pays; que les Gaulois ont rendu les derniers devoirs à leurs morts en les brûlant, et qu'ils ont même sacrifié aux mânes de leurs défunts les prisonniers de guerre qu'ils avaient pris dans le combat, lesquels ils ont inhumés avec les cérémonies reçues par la nation.

Etant constant par le rapport des auteurs que les Gaulois brûlaient les corps, ainsi que tous les Occidentaux, jusqu'à ce qu'ils aient été éclairés par les lumières de la foi chrétienne, et même qu'ils sacrifiaient des victimes humaines à leur dieu Teutatès, et, lorsqu'ils avaient fait des prisonniers dans un combat, ils les égorgeaient pour les immoler aux mânes de ceux de leur nation qui avaient été tués dans le combat. Reste maintenant à deviner qui étaient ces barbares, et dans quel temps ce sépulcre a été construit. "

Histoire de la ville et du canton de Vernon
Théodore Michel - 1851

Retour : 

Excursion en car ou minibus a Giverny
Excursion à Giverny

ticket for monet gardenAchetez en ligne vos e-billets pour visiter la maison et les jardins de Claude Monet à Giverny ticket for monet garden


Page d'accueil de Giverny | Village de Giverny | Ville de Vernon | Claude Monet
Hôtel près de Giverny | Chambre d'hôte près de Giverny | Gite pres de Giverny | Restaurant pres de Giverny
Jardin de Giverny | Musee de Giverny | Chateau | Moulin | Archeologie | Attractions | Gratuit | Artistes
Se rendre a Giverny | Excursion depuis Paris | Spécial familles | Hebergement pres de Giverny | Versailles | Nouveautés

Site publié par l'Association Givernet, 38 route de Giverny, 27200 Vernon, Mentions légales
Hotel chambre hote gite
Chambres Hotels Gites


©GiVerNet
Modifié le :Wednesday, 16-Sep-2015 11:26:32 EDT